Hippolyte Demanet – 1848
Espoir, bourgeois et travailleurs, (bis)
Nous reverrons des jours meilleurs (bis)
L’arbre de la liberté,
Parmi nous est planté.
Refrain
Dansons la Carmagnole,
Vive le son (bis)
Dansons la Carmagnole,
Vive le son du canon.
Par le roi, le peuple enchaîné, (bis)
Vers l’abîme était entraîné. (bis)
Chacun était réduit.
Vainqueurs, tous aujourd’hui.
Enfants, vieillards se sont levés, (bis)
Le trône, assailli de pavés, (bis)
Croule en quelques moments ;
Sur ses débris fumants
Plus de rivaux, plus de partis, (bis)
Le sort confond les appétits. (bis)
Tenant de l’éternel,
Le bidon fraternel.
Si l’étranger plein de terreur (bis)
Menace encore de ses fureurs (bis)
Le pays combattant
L’ira vaincre en chantant.
Chassant tyrans et potentats, (bis)
Affranchissant tous les Etats (bis)
Lombard, slave, et germain,
En nous donnant la main.
Ne formant qu’un faisceau d’amis, (bis)
Du bonheur aux élus promis, (bis)
Le monde est héritier
Sur tout le monde entier.
Cette Carmagnole est très consensuelle, bien dans l’esprit des premiers jours de la Révolution de 48. Le seul ennemi, le seul tyran, c’est le roi. Le trône abattu, la République rassemble toute la Nation. Bourgeois et travailleurs sont réunis autour de l’arbre de la liberté que bénissent les prêtres. Les frontières de classes et les oppositions politiques sont abolies (« Plus de rivaux, plus de partis »). Sans être explicitement chrétienne, la chanson évoque cependant l’« Eternel », dans la lignée robespierriste de l’« Etre Suprême ». La République de 48 est également universaliste. Elle a vocation à affranchir tous les peuples, notamment ceux qui font l’actualité : le peuple lombard (c’est l’époque du Risorgimento, l’unité italienne est en route), le peuple slave (l’insurrection de Varsovie de 1830 et sa terrible répression sont encore dans toutes les mémoires), le peuple germain (l’Allemagne est traversée de soubresauts nationaux et libéraux).
Allons, amis, qu’à cette fête
Chacun se livre avec gaieté ;
Ce banquet que le cœur apprête
Etablit la fraternité. (bis)
Que par l’élan d’un cœur sincère,
D’ici tout soupçon soit banni ;
Que chacun s’empresse à l’envi
De serrer la main de son frère ;
Courage, Citoyens, restons toujours unis ;
Français, Français,
Un peuple libre est un peuple d’amis.
Couvre à jamais cette contrée,
Rayon de la divinité,
Liberté, par nous adorée,
Saint amour de l’égalité ! (bis)
Tel qu’après une nuit obscure,
Le soleil pare l’univers,
Qu’à ta voix tout rompe ses fers,
Tout s’anime dans la nature.
Républicains purs et sensibles,
Donnons l’exemple à nos neveux ;
Pour être à jamais invincibles,
Soyons unis et vertueux. (bis)
Par un effort bien légitime,
Faisons la chasse aux ennemis ;
Mais pour ces traîtres endurcis,
Rien ne peut excuser leur crime.
Plus de terreur et plus de crainte,
Gens égarés, séchez vos pleurs ;
A jamais l’humanité sainte,
A jamais a rempli vos cœurs. (bis)
Des patriotes fiers et braves
Fléchissent devant ton autel,
Car il ne sied d’être cruel
Qu’envers des tyrans, des esclaves.
Un monarque insensé, perfide,
Voulut défendre nos banquets,
Et dans sa rage parricide,
Nous contraindre à rester muets (bis)
Soudain le peuple entier se lève,
Et d’un bond chasse le tyran ;
La République en cet instant
Paraît et aussitôt l’achève.
Peuple, non, plus de rois, restons toujours unis,
Français, Français,
Un peuple libre est un peuple d’amis
Cette version de la Marseillaise date de 1848 comme le montre clairement le dernier couplet qui évoque l’interdiction des banquets républicains – interdiction qui déclencha la révolution. Elle est très consensuelle, niant les classes et les partis, à l’image des semaines qui suivirent les journées de février.
Il y a bien d’autres versions de la Marseillaise. Citons pour mémoire la Marseillaise des cotillons (1848), la Marseillaise du Peuple (1848), la Marseillaise de la Commune (1871), la Marseillaise anticléricale (1881), la Marseillaise fourmisienne (1891), la Marseillaise de la paix (1892), la Marseillaise des Requins (Gaston Couté, 1911).